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Un gilet en peau de zouzou
5 mars 2011

Première sortie (épisode 2)

Résumé du premier épisode

N'écoutant que votre folle envie d'aller gambader au soleil et d'être une de ces mères heureuses, indépendantes et libres, vous êtes partie le nez au vent et le zouzou blotti contre vous dans votre écharpe qu'un savant noeud appris le matin même nouait élégamment.

Las ! Arrivée au but de votre escapade, une librairie pleine de monde, vous n'avez pu ignorer que le zouzou s'était réveillé (et avait du coffre). C'est à ce moment-là que vous vous êtes rendue compte que votre écharpe devenait lâche....

***

Vous voilà donc debout à l'extérieur de la librairie, au soleil, certes, mais le zouzou protestant et l'écharpe perdant de minute en minute son fiable et ferme maintien.

Vous avisez un square proche : réajuster l'écharpe voire, soyons fières, indépendantes et libres, allaiter le zouzou ?

Vous n'êtes pas assise sur le banc et n'avez pas commencé à entreprendre de vous débattre dans l'écharpe (ces petites choses-là font autour de 5 m de long), qu'un homme en costard cravate s'est assis sur le même banc. Il y avait deux autres bancs de libre, sois maudit ! En attendant, vous vous dites que peut-être vous pourriez allaiter chez vous. Plutôt.

Vous tirez un peu sur l'écharpe pour la tendre avec un succès tout relatif et vogue la galère vous repartez sur le grand boulevard en direction de chez vous, en priant pour qu'un bus passe au bon moment, tout en doutant d'avoir très envie de le prendre et d'en faire l'animation sonore, oui, même pour 5 minutes.

Vous êtes dans la rue, vous avez le zouzou dans les bras, oui, dans l'écharpe mais aussi dans les bras parce qu'elle ne tient définitivement plus rien, et, bien sûr, votre zouzou hurle de plus belle.

Une femme vous glisse sans méchanceté en vous dépassant : "Il doit avoir faim". Non, sans blague ! Inexpérimentée comme vous êtes, cette idée ne vous serait pas venu à l'esprit. Et là, tout d'un coup, vous sentez que les dix minutes qui vous séparent de chez vous vont être très longues. Ne rentrons même pas dans les méandres de votre petite enfance et de votre psyché profonde qui expliquent pourquoi l'idée même que votre zouzou puisse avoir faim pendant quelques minutes vous est quasiment insupportable.

Là ! Terre ! Un bar-tabac où vous avez déjà pris un café, "avant". Vous entrez en travaillant un air dégagé - vous fantasmez les regards réprobateurs - le môme braillard que vous avez introduit, la mauvaise mère que vous êtes, qui emmène son tout-petit au café / ne sait pas s'en occuper. Vous commandez un café - achetez votre droit de séjour (ouh, la mauvaise mère qui donne de la caféine à son tout petit). Et vous vous réattaquez à l'écharpe. Cette fois, vous voulez l'enlever. 5 (cinq) mètres d'écharpe enroulés autour de votre tout zouzou et vous, que vous voudriez enlever avec dignité (et sans faire trainer trop les extrêmités par terre). Au fur et à mesure que le tissu s'éloigne de vous, vous réalisez que votre pull trop échancré laisse apparaître votre moche soutien-gorge d'allaitement, et que ce même pull s'est relevé pendant la bataille, laissant voir votre collant bleu au dessus de la taille de votre jupe. Vous êtes très seule et très agrippée à votre air dégagé. Là, vous n'avez plus rien à perdre, vous faites au moins une chose de bien en donnant votre sein à votre petit être de chair et de sang braillant. Vous êtes assise, votre café est arrivé, il tête tranquillement, vous avez la tête un peu vide. Vous êtes presque bien. En tout cas, vous goûtez le silence, la présence du café devant vous, votre petit accroché à vous. Vous pouvez même regarder un peu les clients du café qui entrent et sortent.

Vous vous demandez si vous n'allez pas envoyer un sos à votre compagnon pour qu'il vous exfiltre de ce café. Et là, vous relevez le défi. Vous n'allez pas vous décourager maintenant. Un jour vous ferez marrer les copines par un récit épique. Et vous rirez aussi. Un jour.

En fait, vous souriez déjà de ressembler tellement exactement à ce que vous êtes : une jeune mère affrontant pour la première fois les mille nouveaux savoir-faire pratiques qui deviendront un jour routine mais qui sont, pour l'instant encore, autant d'épreuves, mille obstacles à sauter les uns après les autres. Une jeune maman affrontant pour la première fois les aléas des mille problèmes à résoudre quand on est avec un enfant et pour lesquels toute solution hétérodoxe est bonne à prendre, parce que ce qui compte, c'est de résoudre à peu près le problème.

Vous vous dites que le plus dur est derrière vous : le zouzou, rassasié, sera calme. Vous allez essayer de renouer l'écharpe mais vous devriez pouvoir le ramener dans vos bras s'il le faut. Vous n'êtes plus très loin de chez vous.

Et de fait, la fin de l'histoire est proche. Il est, sans doute, sans intérêt de donner les détails du retour. Votre zouzou qui se remet à pleurer à peine après avoir fini de manger. La flaque de lait qu'il a laissé sur la banquette où vous l'aviez posé un instant le temps de mettre l'écharpe, flaque dont vous vous apercevez en même temps que le serveur au moment où vous alliez partir et jetiez un dernier coup d'oeil, fière de vous en être sortie. La remarque de la vieille dame dans le bus : "Ah, ils sortent déjà à cet âge-là ?"

Vous êtes libre, fière et indépendante, vous partez en vadrouille quand vous voulez avec votre zouzou.

Mais pas demain, vous avez sieste.

 

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