Première sortie (épisode 1)

           On vous a prêté une écharpe. Mieux, il paraît que c'est mieux pour votre zouzou qu'un de ces porte-zouzous qui les forcent à avoir le dos droit et fait peser tout leur poids sur leur genitalia. Vous avez vu une copine qui en utilisait une et qui avait l'air de trouver ça simple et vous comptiez bien lui mettre le grappin dessus un de ces quat' pour qu'elle vous montre comment on fait. Mais un de ces quat' ç'aurait été bien que ça soye été ce matin, et vous vous dites que quand même ce serait bien pratique de pouvoir porter le zouzou, surtout depuis que vous avez dédaigneusement refusé le zouzoubjörn que votre frère voulait vous prêter. Sinon, il y aurait bien l'antique landau, mais pour tout dire, pour l'instant, votre zouzou dort dedans la nuit et pour extraire l'antique landau de la chambre via le couloir extra-étroit de votre appartement métropolitain c'est un peu trop d'accrobatie pour une seule personne. Ou pour vous. Ou peut-être que l'antique landau à balader dans la rue, c'est un peu trop d'aventure pour vous et un peu trop un nouveau rôle dans lequel vous ne vous sentez pas encore de vous glisser. Mais avoir le zouzou tout contre vous et marcher d'un pas élancé et dégagé, pourquoi pas.
          Vous zavez même pas peur, vous zallez voir ce que vous zallez voir, et une invention vous sauve la vie, vous qui avez toujours rêvé d'un mode d'emploi pour la vie (rêve que Pérec n'avait que partiellement exaucé) : ecce internet, le paradis des modes d'emploi. Et que je te passe l'écharpe devant derrière sur l'épaule en croisé simple double multiple, et que je te glisse le zouzou réveillé dedans, et même qu'il a l'air assez calme à l'intérieur... Oh là, là... mais ça vous donne des envies folles de balade, ça ! Un beau soleil brille dehors, et vous n'avez que trop longtemps été enfermée, entre les longues semaines où l'on vous recommandait de rester au calme sous peine de zouzouchement prématuré (monsieur n'a daigné pointer son nez que quatre jours avant le terme annoncé) et les jours de cocoonage post-accouchement au rythme des réveils de la petite bestiole poilue (si, poilue, des oreilles, même). Le doux soleil brille et vous appelle, et votre compagnon vous encourage, et vous êtes forte et vous allez voir si vous pouvez faire la même chose qu' "avant", vous allez rejoindre une librairie familière pour chercher un livre que vous cherchez (cherchiez "avant") depuis quelque temps.
         Le zouzou est bien calé, vous êtes dehors, cheveux au vent, vous êtes belle, vous êtes libre, ce matin vous avez mis une jupe toute courte et des bottes, avec votre zouzou tout au chaud contre vous, c'est trop la classe. Vous avancez d'un pas fier dans la rue, ivre un peu de tout cet air et tout cet extérieur que vous avez si peu bu depuis si longtemps. Votre zouzou s'est endormi, et dort encore au gré des bercements du bus que vous avez attrapé pour trois stations à peine. A destination, un pied sur le trottoir, un miaulement.
        Hum. ça bougeotte là-dedans.
        Un pied dans la librairie, deuxième miaulement.
        Rayon recherché, il fait trop chaud dans cette librairie, pleurs.
       Vachement sonores les pleurs. Vous n'aviez jamais remarqué que cette grande librairie ultra-fréquentée à l'heure du déjeuner était si calme.
       Vous faites semblant de regarder si le livre recherché est en rayon - Ah tiens non, si je sortais ? Je suis sortie. Ouf.
Pleurs. Et c'est là que vous remarquez que l'écharpe commence à partir en quenouille.
        Damned.

       To be continued...